Comprendre le Conseil constitutionnel haïtien en 6 questions


Le Conseil constitutionnel[1] occupe peu de place dans les débats publics. La majorité de la population ne s’inquiète pas de l’absence de cet organe prévu par la Constitution depuis plus de 31 ans. Malgré les évidences du rôle crucial qu’il pourrait jouer dans le retranchement des chicanes houleux qui divisent notre société. Beaucoup d’acteurs pensent que le Conseil Constitutionnel est le seul organe habiliter à retrancher sur la fin des mandats constitutionnels des présidents, comme dans le cas du Président Jovenel Moise. 

Quoique l’objet de l’indifférence des acteurs de la société, la mise en fonctionnement de cette institution n’en demeure pas moins importante. Sa contribution est déterminante à plusieurs points de vue. Cet article vise à présenter succinctement le Conseil et susciter l’intérêt des électeurs haïtiens sur la nécessité d’exiger des prochains élus la création effective de l’entité.    


Qu’est-ce que le conseil constitutionnel ?

Le conseil Constitutionnel est un organe chargé d’assurer la constitutionnalité des lois. Cela revient à dire qu’il veille la conformité des nouvelles lois, des règlements et des actes administratifs avec la Constitution.

Ce contrôle se fonde sur le principe de la hiérarchie des normes.


En quoi consistent les compétences du Conseil constitutionnel en Haïti ?

Le législateur haïtien a doté le Conseil Constitutionnel de nombreuses prérogatives.  Il juge de la constitutionnalité des actes juridiques du Pouvoir Exécutif.

Lorsqu’il est saisi, le Conseil exerce un contrôle a priori en statuant sur la constitutionnalité des lois avant leur promulgation ;

Il statut :

-          Sur les règlements intérieurs des deux chambres du pouvoir législatif ;

-          Sur les arrêtés ;

-          Sur toutes les lois en général, avant leur promulgation sous certaines conditions.

Le Conseil se prononce également sur les conflits qui opposent les Pouvoirs Exécutif et Législatif ou les deux branches du Pouvoir législatif.

Et aussi sur les conflits d’attribution entre les différents ordres juridiques (administratifs, judiciaires et électoraux).

Enfin, le Conseil peut être saisi lorsqu’une exception d’inconstitutionnalité est soulevée à l’occasion d’une instance sur renvoi de la Cour de Cassation.

Toutes les lois ou dispositions d’une loi déclarées inconstitutionnelles ne peuvent être promulguées ni mise en application.


Quelles sont les conditions pour devenir membre du Conseil ?

La composition du Conseil est de 9 membres dont 3 Magistrats, 3 juristes de haut niveau et trois personnalités de grande réputation professionnelle ayant au moins dix (10) d’expérience professionnelle.

Pour être membre du Conseil Constitutionnel, il faut  :

·              Etre haïtien d’origine et ne détenir aucune autre nationalité au moment de la nomination ;

·              Etre âgé de quarante (40) ans accomplis au jour de la nomination ;

·              Jouir de ses droits civils et politiques et n’avoir jamais été condamné à une peine afflictive et infamante pour crime de droit commun ;

·              Etre propriétaire d’un immeuble en Haïti ou y exercer une industrie ou une profession;

·              Résider en Haïti depuis cinq (5) années consécutives avant la date de la nomination ;

·              Avoir reçu décharge de sa gestion si on a été comptable des deniers publics ;

·              Etre de bonne moralité et de grande probité.

Le Conseil Constitutionnel se renouvelle par tiers tous les trois (3) ans.


Comment saisit-on le Conseil Constitutionnel ?

La saisine du Conseil est limitée aux élus des Pouvoirs Exécutif et législatif.  Les présidents de la République, du Senat et de la chambre des députés peuvent lui soumettre directement l’appréciation en constitutionnalité d’une loi avant sa promulgation. 

Le Conseil est saisi pour toutes les exceptions d’inconstitutionnalité soulevées dans une instance sur renvoi de la Cour de Cassation.

Cependant, La Constitution haïtienne permet aux législateurs d’étendre la capacité de saisine du Conseil à d’autres entités dans une loi organique.


Quels sont les délais des décisions du Conseil et leurs effets ?

Le Conseil Constitutionnel doit statuer dans le délai d’un mois après avoir été saisi d’un texte de loi ordinaire. Ce délai est de quinze jours pour toute loi ou tout texte portant sur les droits fondamentaux et les libertés publiques. Toutefois, s’il y urgence, à la demande du Gouvernement, du tiers du Sénat ou du tiers de la chambre des Députés, ce délai est ramené à huit jours.

La saisine du Conseil suspend le délai de promulgation des lois. Celles déclarées inconstitutionnelles ne peuvent être promulguées ni mise en application.


Y’a-t-il quelque chose d’autre que nous devrions savoir ?

Les dispositions de la Constitution de 1987 amendée sont innovatrices, en ce sens que c’est la première fois que le pays est doté d’un organe chargé de veiller la conformité des règlements juridiques à la Constitution.

Toutefois, beaucoup de points d’ombre restent irrésolus.  Des professeurs de droit constitutionnel pointent du droit le fait que plusieurs prérogatives qui sont dévolus à des organes distincts dans d’autres pays le sont au Conseil Constitutionnel haïtien.

Par exemple, en France les conflits de compétences entre les différents ordres juridiques sont soumises au Tribunal des conflits. Et les différends entre les pouvoirs législatif et Exécutif au Conseil d’Etat.

Une solution probable à ces difficultés est de confier ces responsabilités soit à une direction « déconcentrée » du Conseil soit créé des organes siégeant au Conseil Constitutionnel.

Encore, le statut juridique du Conseil Constitutionnel n’est pas précisé dans la Constitution. Est-ce un organisme autonome, indépendant ou de tutelle ?

L’importance du Conseil constitutionnel dans la stabilité du pays est un truisme. La volonté des acteurs de la mettre en fonctionnement est révélatrice de leur disposition au contrôle de la loi.  



[1] Les dispositions de la Constitution de 1987 amendée sur le Conseil Constitutionnel se retrouve aux articles 190 bis à 190 ter. 10.

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